Jardins

Jean Modave :
une vie de passion pour la nature

21.06.2022

Une vie qui se confond avec la terre, les arbres et les jardins.

Jean Modave, jeune retraité de l’entreprise de jardins, a plusieurs casquettes et elles sont toutes très jolies.

Les casquettes actuelles s’appellent ‘pension et pépiniériste’, mais durant toute sa vie active, il en a porté d’autres comme celles de forestier, d’entrepreneur de jardins et d'architecte paysagiste.
Accessoirement il jonglait aussi avec bien d’autres couvre-chefs.

Genèse d’une carrière passionnée

Plutôt que de réécrire ses mots, nous avons choisi de vous les restituer tels quels, car ils sont jolis, justes et amusants. Nous avons aussi opté de lui couper, parfois, la parole, car le jardinier à la retraite a tellement de choses à raconter qu’il se montre parfois légèrement bavard.

Pour ces mois d’été, nous laissons Jean Modave parler de ce beau métier qu’il exerçât avec passion toute sa vie professionnelle : JARDINIER.

Qu’est-ce qui vous a amené à devenir entrepreneur de jardins ?

« Plusieurs facteurs m’ont guidé dans le choix de ma profession.

Certainement une part de hasard, une part d’opportunité, une (petite) part d’inconscience également, une part d’aboutissement logique, un grand questionnement avant de franchir le pas, mais surtout l’envie de transformer ces différents facteurs en énergie positive sans pour autant foncer tête baissée. Étant fils d’agriculteurs, j’ai toujours eu un rapport particulier avec la terre et le végétal.

Le hasard m’a fait rencontrer un architecte de jardin, pépiniériste et entrepreneur. Presque en boutade, il m’a proposé de venir travailler avec lui. En découlent l’opportunité et l’inconscience de la jeunesse pour relever le défi. La volonté de mordre dans les outils de part et d’autre a fait prendre la sauce. Voilà comment a débuté l’histoire ».

Avez-vous fait des études pour devenir entrepreneur de jardins ?

« En humanités, j’étais inscrit en latin-math et, je ne voyais pas du tout à quoi cela allait me mener. J’ai donc bifurqué vers des humanités forestières à La Reid. Je suis donc devenu forestier. La forêt n’est rien d’autre qu’un jardin à grande échelle.

Avec trois copains de classe, on a décidé de passer à l’échelle inférieure et on s’est inscrit en architecture de jardin à Gembloux. Ces études m’ont permis l’apprentissage de la vaste gamme végétale.

Quand vous suivez les cours d’architecture de jardin, vous comprenez très vite que tout est à faire, en tout cas pour les jardins particuliers. Votre vision du jardin est totalement modifiée.

En sylviculture, il y a la futaie jardinée par pieds d’arbre, en horticulture, il faut être futé pour jardiner au pied des arbres… ».

Vous êtes-vous formé sur le terrain ?

« Bien sûr, c’est la meilleure école qui soit. Tout y est concret, à tous niveaux !

Ma rencontre avec Victor a été le départ de toute l’aventure. Victor, c’est Victor Vanlommel, figure emblématique de la profession dans le Namurois et fondateur de JardiSart.
Il vous marque d’abord par sa gentillesse, son sens de la communication et son côté très terre à terre, mais dans le bon sens du terme. Victor, c’est le savoir, le bon sens et la raison. Il est tellement communicatif qu’il vous transmet même sa distraction légendaire !

Mais il y a aussi quelques belles rencontres avec des stagiaires, bien plus jeunes que moi, qui m’ont apporté leur vision plus moderne et des moyens techniques plus évolués ».

Le métier d’entrepreneur
de jardins

Comment envisagez-vous le métier d’entrepreneur de jardins ?

« Avec l’ambition de répondre au mieux aux souhaits de la clientèle, et si possible d’apporter une note inattendue.

Souvent, lorsqu’on vous appelle, les clients ont leur programme, voire les idées déjà bien précises de leurs souhaits, mais aussi de leur agencement. Et c’est à ce niveau qu’il faut surprendre. Il faut montrer qu’on leur apporte quelque chose de plus tout en gardant à l’esprit que la finalité doit correspondre au goût du client ».

Quelle est l’importance du jardin et du vert dans la vie ?

« Le vert est la couleur reposante, le jardin doit également être reposant. D’où l’importance de la qualité de la conception. Il n’y a rien de pire que d’être esclave de son jardin. Le tout est de mettre le curseur de ‘l’esclavage’ au bon endroit. Nous avons tous une échelle différente.

Une conception optimale qui rencontre les desiderata du client. Simple et pratique peuvent aussi rimer avec esthétisme.
Et j’attache beaucoup d’importance à ce que le jardin soit aussi attrayant en toutes saisons ».

Quelles sont les qualités d’un entrepreneur de jardins ?

« Le contact et l’écoute. Ce sont les prémices d’une belle collaboration. Avec la clientèle, la base pour établir un lien de confiance est un contact vrai et chaleureux.

Mais vous pouvez avoir ces deux qualités, si vous n’êtes pas compétent, vous allez au-devant de gros soucis.

Si vous voulez rester à la page, il faut suivre les nouveautés, faire preuve d’audace, essuyer certains plâtres (pas trop souvent quand même) et tirer les leçons des difficultés, voire des échecs. Nobody is perfect… ».

Quelle est votre philosophie du jardin ?

« L’école de la patience pour les gens pressés ».

Une plante et une fleur de prédilection ?

« La plante dont le choix est optimal pour l’endroit et le rôle souhaité.

S’il faut vraiment citer une plante, pourquoi pas un arbre fruitier. Quoi de plus beau qu’un cerisier ou un pommier en fleurs ? Et le plaisir d’ensuite croquer la pomme !

Pour la fleur, un sourire, celui de ma moitié, de mes filles et de mes petites filles. C’est le sourire coloré des Knautia macedonica ‘Melton Pastels’ ».

Comment voyez-vous l’évolution du métier ?

« Qui peut répondre à cette question ? L’évolution m’a souvent surpris.

On s’achemine de plus en plus vers un côté moins construit, beaucoup plus sauvage. La biodiversité n’est pas qu’une mode, elle est nécessaire. Les clients plus jeunes en sont généralement très conscients et sont sensibles au retour de la nature dans le jardin. Les produits phytos sont très souvent bannis avec cette clientèle ».

Un œil dans le rétroviseur

Vous êtes-vous lancé de suite comme indépendant ?

« Non, lorsque Victor m’a approché pour l’épauler, il m’a engagé comme salarié.

Le métier demande de pouvoir taper sur le clou plus fort à certaines saisons que d’autres et donc de prester un nombre d’heures qui n’est pas souvent (pour ne pas dire toujours) en adéquation avec la législation sur le travail. J’ai donc décidé de devenir indépendant pour ne plus avoir à justifier les ‘pauses pipi’…

D’abord en tant qu’actionnaire actif au sein de JardiSart et puis en indépendant tout court en 2007, année où j’ai créé ma propre entreprise. C’est d’ailleurs Victor qui, souhaitant réduire sa charge de travail, m’a poussé à franchir ce nouveau cap.

Si c’était à refaire, je créerais mon entreprise plus tôt et je développerais la pépinière simultanément ».

Un moment qui a marqué votre carrière ?

« L’étonnement de Victor (toujours lui) qui, lorsque j’étais toujours étudiant et que j’essayais de gagner quelques francs, m’a vu débouler chez lui avec ma vieille petite voiture à laquelle j’avais enlevé la banquette arrière et dans laquelle j’ai chargé des plantes jusqu’au plafond.

Plus sérieusement, ma participation au concours international lancé par Mittérand pour la conception du parc de la Villette à Paris. On (nous faisions équipe à deux, la plus petite équipe du concours) a côtoyé les grands bureaux paysagistes mondiaux et on a vite compris qu’il y avait plus que du chemin pour arriver à leur cheville, même si nous avons été classés dans la première moitié du tableau. Ça restera néanmoins une belle expérience.

Plus modestement, les différents prix reçus lors du concours de l’entrepreneur de jardins de Wallonie.

Mais la véritable révolution, c’est le remplacement du bon vieux rotring par le dessin informatique ! ».

Quelques mots sur votre nouveau métier de pépiniériste : que produisez-vous, dans quel objectif, votre rapport à la plante ?

« Petite précision, ce n’est pas nouveau pour moi. Fin des années 80, j’ai commencé la production de plantes, de manière très artisanale donc pas à grande échelle. La superficie était de +- 3 hectares.

Lorsque j’ai créé l’entreprise en 2007, la pépinière n’était pas la priorité et l’activité s’est fortement réduite.

Ayant transmis mon entreprise, j’ai directement entrepris de relancer la pépinière qui reste pour le moment une pépinière de production.
La gamme est principalement arbustive et de pleine terre à 90%, le restant étant cultivé en conteneurs pour les séries plus courantes.
Le greffage d’arbres fruitiers est au programme pour le printemps prochain.

L’objectif premier reste avant tout le plaisir ! Suivant l’évolution, on sera (on parce que l’activité est familiale, mais c’est souvent l’homme aux cheveux blancs qui est à la tâche) sans doute obligé d’évoluer vers d’autres objectifs, ou pas… ».

Et le mot de la fin ou du début d’autre chose …

 

« Quand vous ne vous êtes jamais levé avec des pieds de plomb pour vous rendre à votre travail, que vous avez fait votre vie sans connaître de difficultés majeures, que votre fierté est vos enfants (et j’y inclus les pièces rapportées) et petits-enfants, l’espoir est de pouvoir cultiver ce bonheur encore quelques années. C’est un autre type de culture… ».

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L'Apaq-w, pour une agriculture de qualité en Wallonie